Voici le texte intégral d’un de mes articles publié par le Devoir en février 2022. Je répondais alors à un appel à récits sur le thème du « corps pandémique », qui m’a conduite à réaliser la prépondérance de mon expérience corporelle de l’immigration sur celle de la pandémie et son lot de désincarnation et de restrictions.
Le corps immigré et le corps pandémique se battent en duel. Dans la compétition des souffrances, la joute est serrée. Le corps immigré triomphe d’abord, il est expérimenté. C’est naïf, presque attendrissant : il devient suffisant et moque le désarroi des corps pandémiques conviés brutalement à sa table. L’absence harcelante des corps aimés, les rituels manqués, les anniversaires sur zoom. Les enfants qui grandissent trop vite et trop loin de leur parenté. Mais le partage s’arrêtera là. Continuer la lecture de corps à corps →
La pluie qui fouettait violemment les vitres et les noyait de grandes coulées obliques ralentit puis s’arrête avec le train. Le quai fumant d’humidité nous reçoit. On secoue nos corps engourdis. Je me retourne sur les paumes et les nez pressés contre la fenêtre, ceux-là poursuivent jusqu’à Moscou. Les proportions du hall de gare, avec ses colonnes de marbre dont je ne peux même pas embrasser la circonférence, sont démesurées. Décalées. On ne se bouscule pas à Petrozavodsk. Continuer la lecture de Chronique de Petrozavodsk →
Mars 2013. Dans un cercle de doulas en devenir, mon premier né au sein, j’écoute Gabrielle nous annoncer qu’elle veut être la sorcière du village. Celle qui hache le plantain pour en faire un baume, suspend la marjolaine tête en bas, et infuse dans la vodka les racines de l’échinacée. Chahutée entre le boulevard Saint Joseph et le Bas-du-Fleuve, elle hésite. Va faire un tour en camper dans des communautés agricoles inspirantes et des Rainbow gatherings. Tranche pour le bois. Seule. Continuer la lecture de Sauvagines →
Il y a des rencontres décisives. Bien plus tard, on prend la mesure du tour qu’elles ont imprimé à nos vies, et on reconnaît le moment, et la personne. On se rappelle longtemps et avec gratitude ce prof qui a cru en nous, qui a extirpé un talent ignoré de la médiocrité dont on était presque arrivé à se convaincre, qui a souligné la beauté dans la longue et ingrate traversée adolescente. Continuer la lecture de Chasseur de perles →
« Les causes que l’on se donne nous accrochent à la vie », et Lucila y semble aujourd’hui bien arrimée, alors qu’adolescente au Pérou elle en avait frôlé les limites. De la côte Pacifique à l’île de Montréal, Lucila a fait du chemin. Brillante enfant solitaire et silencieuse, empruntée dans ses relations avec les autres et tourmentée par ses émotions qu’elle ne décode pas, elle brise la spirale mortifère de l’anorexie mentale et choisit de foncer dans le monde intellectuel qu’elle perçoit comme rassurant et plus fiable que le terrain mouvant des relations humaines. Continuer la lecture de Lucila et le manifeste pour la neuro-diversité →
Tu me fascines. Par ton histoire qui raconte tellement la grande, et par ta vivacité d’esprit, les deux allant clairement de paire dans ton cas.
Tu me manques. Ton intelligence sortant de ta bouche rieuse est un trésor disparu. Un espace réconfortant où réfugier mon esprit avide de structures qui canaliseront son errance. Tu domptais le cheval fou qui galopait dans ma tête, mais le nourrissait aussi.
Je me revois descendant de vélo, frappée par les violentes bourrasques qui me ramenaient irrésistiblement au centre de la chaussée. Continuer la lecture de Hans →
Journalisme de solutions à la rencontre de ceux qui y croient