À la faveur d’une grève interminable dans les écoles du Québec, mettant en péril ma santé mentale, j’ai renoué avec la natation. Elle n’est pas très fringante, la piscine du bout de ma rue. Les vestiaires sont aveugles et le savon rose coule le long du mur. Le brun est omniprésent, les joints douteux. Des carreaux manquent aux plinthes, les pentes sont ratées, ou affaissées par l’usage – les flaques sont partout. Continuer la lecture de Aux bains publics
corps à corps
Voici le texte intégral d’un de mes articles publié par le Devoir en février 2022. Je répondais alors à un appel à récits sur le thème du « corps pandémique », qui m’a conduite à réaliser la prépondérance de mon expérience corporelle de l’immigration sur celle de la pandémie et son lot de désincarnation et de restrictions.
Le corps immigré et le corps pandémique se battent en duel. Dans la compétition des souffrances, la joute est serrée. Le corps immigré triomphe d’abord, il est expérimenté. C’est naïf, presque attendrissant : il devient suffisant et moque le désarroi des corps pandémiques conviés brutalement à sa table. L’absence harcelante des corps aimés, les rituels manqués, les anniversaires sur zoom. Les enfants qui grandissent trop vite et trop loin de leur parenté. Mais le partage s’arrêtera là. Continuer la lecture de corps à corps
7 conseils pour parler du coronavirus avec les enfants
Nous y sommes. La crise climatique tenait déjà nos nerfs bien occupés, on n’avait pas vu venir la pandémie. Pourtant, les historiens, démographes et épidémiologistes savent que chaque siècle s’en claque une belle. Personne, au Canada, peut nous transmettre ses recettes de résilience. La crise du verglas risque d’être de la petite bière par rapport au coronavirus. Les réfugiés auraient beaucoup à nous apprendre, si on ne les laissait pas croupir si nombreux dans des camps insalubres où il va faire des ravages.
Nous y sommes, donc, en état de siège, à attendre l’œil du cyclone, et nos enfants aussi. Impossible de les épargner : un nombre croissant d’entre nous est avec eux 24/7, pour une durée indéterminée (non, ça ne durera pas deux semaines) et pas moyen de les refourguer aux grands-parents, quand ceux-ci, en temps normal, sont proches et disposés à nous seconder. Continuer la lecture de 7 conseils pour parler du coronavirus avec les enfants
Sauvagines
Mars 2013. Dans un cercle de doulas en devenir, mon premier né au sein, j’écoute Gabrielle nous annoncer qu’elle veut être la sorcière du village. Celle qui hache le plantain pour en faire un baume, suspend la marjolaine tête en bas, et infuse dans la vodka les racines de l’échinacée. Chahutée entre le boulevard Saint Joseph et le Bas-du-Fleuve, elle hésite. Va faire un tour en camper dans des communautés agricoles inspirantes et des Rainbow gatherings. Tranche pour le bois. Seule. Continuer la lecture de Sauvagines
5 leviers pour atteindre la neutralité carbone
La crise environnementale et nous
Si vous lisez ces mots, c’est que vous êtes déjà convaincus que notre civilisation se trouve devant la plus grande menace de tous les temps, bras-de-fer et jeux nucléaires exclus. Vous avez peut-être même poussé le zèle jusqu’à lire le rapport du GIEC (ici dans une excellente vulgarisation) qui pronostique un réchauffement cataclysmique de 3-4° à la fin de ce siècle. Autant je trouve parfaitement répugnant d’accabler les individus du fardeau de résoudre une crise aussi systémique que celle que nous vivons aujourd’hui sur le plan environnemental, autant en rejeter toute la responsabilité sur les détenteurs des pouvoirs économiques et politiques me semble irresponsable. Continuer la lecture de 5 leviers pour atteindre la neutralité carbone
LocoMotion
Solon a le vent en poupe. Le collectif, gros d’une dizaine d’employés et de nombreux partenaires, bénévoles et sympathisants, sort des marges militantes pour pousser toujours plus loin ses audacieux projets solidaires et écologiques. Au moment de la plus grosse gueule de bois de l’humanité, où nous nous sentons démunis et ballottés entre éco-anxiété, déni et culpabilité, les propositions de Solon nous font du bien. Continuer la lecture de LocoMotion
Nouveau Projet & Cie
Atelier 10 accomplit un tour de force. Ils sont quatre, et ils viennent à bout d’une quantité monstrueuse de tâches sans virer fous – c’est en tout cas l’impression que j’en ai eue, mais je peux imaginer que les neurones leur frisent en période de bouclage. Atelier 10 édite Nouveau Projet, un magazine assez consistant pour nourrir mes neurones pendant quelques semaines mais suffisamment dégraissé pour ne pas les polluer avec du contenu lénifiant, publie à haute cadence des livres qui dépassent pour la plupart les 5000 exemplaires vendus (seuil du bestseller au Québec), propose des baladodiffusions et accepte en sous-traitants la production de quatre magazines et d’autres commandes en édition. Continuer la lecture de Nouveau Projet & Cie
Chasseur de perles
Il y a des rencontres décisives. Bien plus tard, on prend la mesure du tour qu’elles ont imprimé à nos vies, et on reconnaît le moment, et la personne. On se rappelle longtemps et avec gratitude ce prof qui a cru en nous, qui a extirpé un talent ignoré de la médiocrité dont on était presque arrivé à se convaincre, qui a souligné la beauté dans la longue et ingrate traversée adolescente. Continuer la lecture de Chasseur de perles
Faut qu’on se parle
La cuisine, chez nous, ce n’est pas seulement l’endroit où on prépare la nourriture, c’est aussi un salon, une salle à manger, un cabinet de travail et une tribune. […] Des idées et des projets fantastiques naissaient dans ces cuisines! Svetlana Alexiévitch, la fin de l’homme rouge
Gabriel Nadeau-Dubois et son équipe (Jean-Martin Aussant, Maïtée Labrecque-Saganash, Claire Bolduc, Alain Vadeboncoeur, et tous les autres) ne se sont pas trompés en allant rencontrer le peuple dans sa cuisine. La cuisine québécoise n’a pas de micros cachés ni de bocaux d’oignons sur le bord de fenêtre, mais elle a de commun avec la soviétique de virer, certains matins de la fin de semaine, franchement communautaire. On la réinvestit lorsqu’à la trentaine, on fonde famille, et que le brunch entre amis devient le cadre inévitable de notre sociabilité parsemée de petits bas et de miettes à terre. Continuer la lecture de Faut qu’on se parle
Lucila et le manifeste pour la neuro-diversité
« Les causes que l’on se donne nous accrochent à la vie », et Lucila y semble aujourd’hui bien arrimée, alors qu’adolescente au Pérou elle en avait frôlé les limites. De la côte Pacifique à l’île de Montréal, Lucila a fait du chemin. Brillante enfant solitaire et silencieuse, empruntée dans ses relations avec les autres et tourmentée par ses émotions qu’elle ne décode pas, elle brise la spirale mortifère de l’anorexie mentale et choisit de foncer dans le monde intellectuel qu’elle perçoit comme rassurant et plus fiable que le terrain mouvant des relations humaines. Continuer la lecture de Lucila et le manifeste pour la neuro-diversité