Archives par mot-clé : lien social

Aux bains publics

À la faveur d’une grève interminable dans les écoles du Québec, mettant en péril ma santé mentale, j’ai renoué avec la natation. Elle n’est pas très fringante, la piscine du bout de ma rue. Les vestiaires sont aveugles et le savon rose coule le long du mur. Le brun est omniprésent, les joints douteux. Des carreaux manquent aux plinthes, les pentes sont ratées, ou affaissées par l’usage – les flaques sont partout. Continuer la lecture de Aux bains publics

corps à corps

Voici le texte intégral d’un de mes articles publié par le Devoir en février 2022. Je répondais alors à un appel à récits sur le thème du « corps pandémique », qui m’a conduite à réaliser la prépondérance de mon expérience corporelle de l’immigration sur celle de la pandémie et son lot de désincarnation et de restrictions.

Le corps immigré et le corps pandémique se battent en duel. Dans la compétition des souffrances, la joute est serrée. Le corps immigré triomphe d’abord, il est expérimenté. C’est naïf, presque attendrissant : il devient suffisant et moque le désarroi des corps pandémiques conviés brutalement à sa table. L’absence harcelante des corps aimés, les rituels manqués, les anniversaires sur zoom. Les enfants qui grandissent trop vite et trop loin de leur parenté. Mais le partage s’arrêtera là. Continuer la lecture de corps à corps

Chronique du train

Premier volet d’une trilogie russe, composée au gré de mes pérégrinations dans ce pays cher à mon coeur. Quelque part, l’âme slave me nourrit, d’une forêt boréale à l’autre.

A chaque wagon son contrôleur. Je jauge celui qui sera le gardien de notre nuit. L’espoir retombe lorsque le visage est aussi juvénile que celui des lycéens qui poussent des cris de guerre sur le quai. Leurs sacs bardés de piolets les dépassent d’une tête, probablement un trek dans la péninsule de Kola. Mais notre officier affiche une certaine fermeté et, sur le poing gauche, le tatouage des prisonniers russes. Les gangs de détenus gratifient ainsi leurs membres d’une sorte de sceau carcéral, propre à chaque bande : signes cabalistiques, volutes celtiques, devise cryptée…deux kopecks se chevauchent entre le pouce et l’index de notre homme. Continuer la lecture de Chronique du train

Brexit: cette Europe qui vit en moi

À Christoph, Tatjana et Daniel

Vendredi matin, je reçois ce message consterné de mon ami Christoph : Brexit : ça y est. Allemand francophile, il travaille à la Banque Européenne de Développement à Londres.

Rue de Londres, 31 janvier 2020

Nous pourrions ressentir une forme de soulagement, qu’après trois ans de détestables rebondissements, meurtre de la députée travailliste Jo Cox, démissions, joutes verbales populistes, le divorce soit enfin signé. Nous y voyions, comme bien d’autres, le produit de polarisations sociales autour de crispations identitaires, et un repli sur soi de mauvais augure. Continuer la lecture de Brexit: cette Europe qui vit en moi

Antigone 2.0

Intemporelle Antigone qui oppose ce que son cœur lui dit à la justice froide des hommes. Lecture adolescente qui nourrit la flamme radicale de cet âge aussi versatile qu’obstiné. Engagée à défendre droits humains et solidarité intersectionnelle, Sophie Deraspe (le profil Amina, les loups) transpose cette icône d’une justice ancrée dans l’humanité de notre condition dans nos quartiers malmenés par l’intolérance et le repli identitaire. Elle réalise, co-scénarise, dirige la photo, et participe au montage de son film. Nul doute, elle le porte en elle, et je gage que c’est l’investissement passionné de son auteure qui embrase l’œuvre. Dans un paysage cinématographique aux statistiques étourdissantes de sexisme (4% des films sélectionnés à Cannes ont été réalisés par des femmes, 23% des films ont pour personnage principal une femme, 7% de réalisatrices à Hollywood…), avec trois femmes, maghrébines de surcroît, en tête de distribution, cette Antigone 2.0 fait oeuvre utile sur le front féministe. Continuer la lecture de Antigone 2.0

5 leviers pour atteindre la neutralité carbone

La crise environnementale et nous

Si vous lisez ces mots, c’est que vous êtes déjà convaincus que notre civilisation se trouve devant la plus grande menace de tous les temps, bras-de-fer et jeux nucléaires exclus. Vous avez peut-être même poussé le zèle jusqu’à lire le rapport du GIEC (ici dans une excellente vulgarisation) qui pronostique un réchauffement cataclysmique de 3-4° à la fin de ce siècle. Autant je trouve parfaitement répugnant d’accabler les individus du fardeau de résoudre une crise aussi systémique que celle que nous vivons aujourd’hui sur le plan environnemental, autant en rejeter toute la responsabilité sur les détenteurs des pouvoirs économiques et politiques me semble irresponsable. Continuer la lecture de 5 leviers pour atteindre la neutralité carbone

Solon

La grande murale avec la girafe à l’envers et son chapiteau de cirque donnant sur Beaubien, entre Chabot et de Bordeaux? C’est là. Un attroupement au milieu de la ruelle, la presse caméra et bloc-notes au poing, le maire d’arrondissement François Croteau toujours swaggé, et un grand soleil.

Nous sommes mercredi 20 avril, c’est (enfin) le printemps, et avec les crocus et les bedaines bourgeonnent les bonnes nouvelles : Rosemont-La-Petite-Patrie, toujours partant pour les projets verts, humains et audacieux, apportera sa caution morale et financière au collectif Solon pour lancer leur étude de faisabilité à 100 000$. Continuer la lecture de Solon

Nataq – la naissance comme salut

J’ai eu la chance d’être introduite au Québec par un de ses meilleurs représentants, Richard Desjardins, par l’intermédiaire d’amis décidés à me faire traverser l’Atlantique – et ils y ont réussi! Fortement imprégné de sa culture ouvrière d’origine, cinéaste, auteur-compositeur, chanteur et militant acharné, Richard Desjardins défend avec un parler coloré les petites gens, les minorités, les oubliés de la croissance, les désastres écologiques et les marginaux. Continuer la lecture de Nataq – la naissance comme salut